L'histoire des pierres magiques.

Il y a très longtemps, cette région du monde insulaire accueillait de nombreuses tribus.

Un jour, dans l'une d'entre elles, un homme vint à mourir.

Son corps fût placé sur un lit au fond d'une cavité souterraine. Deux jeunes hommes furent choisis pour le veiller. Une fois le soir installé et la nuit bien établit, les deux jeunes hommes désignés par le reste de la tribu quittèrent leur case respective pour se diriger vers la grotte mortuaire. Assis à l'intérieur, les deux garçons y attendirent patiemment l'arrivée des esprits qui, comme de tradition, viennent présenter des offrandes au défunt. Atteints par la fatigue, l'un des jeunes hommes s'allongea à côté du mort, sous la pièce d'étoffe qui le recouvrait tandis que l'autre se coucha sous le lit.

Au milieu de la nuit, les esprits accompagnés de leur chef entrèrent dans la grotte. Les jeunes garçons assoupis furent réveillés par le bruit de leur danse et du martèlement de leurs pieds sur le sol. Soudain, la fraîcheur envahit l'endroit, une légère brise se leva tandis que les feuilles des arbres proches se mirent à trembler. C'est le moment précis où le chef des esprits apparût et se plaça devant le corps du décédé. Il prit la parole tout en tenant dans ses mains des pierres magiques en forme de patate, d'igname et de taro. Son discours terminé, il les déposa sur l'étoffe qui recouvrait le corps du mort tandis que le garçon dissimulé dessous les subtilisa et les donna rapidement à son comparse allongé sous le lit. En un éclair, ils sortirent de leur cachette, prirent leurs jambes à leur cou, sautèrent dans la rivière, coururent à travers les tarodières irriguées, gravirent les crêtes: les pierres qu'ils transportèrent pour les rapporter auprès des leurs dans leur tribu avaient une grande valeur: elles donnaient de très bonnes récoltes.

Tout le reste de la nuit, les esprits furent occupés à rechercher les deux fugitifs et préoccupés par le fait de récupérer les pierres sacrées. Au petit matin, les esprits furent contraints d'accepter d'avoir perdu leurs traces. Ils ne les retrouveront plus. Epuisés et en colère, ils se résignèrent à rentrer vers les forêts profondes, vers les racines aériennes des banians géants et les abris de pierre où ils habitent, abandonnant leurs précieux présents à leur nouveau destin.

C'est ainsi, que les familles de cette tribu ont pu pendant très longtemps bénéficier du pouvoir de ces petites pierres magiques et obtenir de belles récoltes.

Ce conte est extrait du recueil de récits de Blaise “A'bwi” Mwâbé (Moimbeu) aimablement confié par M. Raymond Aï, petit-chef de la tribu de Pothé à Bourail, enseignant en langue Ajié Arôô au collège Louis-Léopold Djiet et vacataire en Langue et Culture Kanak à l'Université de la Nouvelle-Calédonie.