Erreurs historico-politico-géographiques relatives à la Nouvelle-Calédonie.

1. Le Diahot est le seul fleuve de Nouvelle-Calédonie! FAUX

Les géographes et autres hydrographes sont très à cheval sur les définitions et les réalités auxquelles elles font référence. L'aval ne sera jamais l'amont comme l'ubac ne peut se confondre avec l'adret. La description des paysages ou la lecture du relief utilisent des mots spécifiques et précis qui ont un sens aux yeux des spécialistes. Le grand public, lui, se laisse parfois séduire par une inexactitude passagère ou une erreur administrative qui se généralisent jusqu'à devenir un standard admis par tous. Si l'on en croit le Larousse, un fleuve est un “cours d'eau finissant dans la mer et souvent formé par la réunion d'un certain nombre de rivières.”

Certes, un fleuve possède généralement un bassin hydrographique important, de nombreux affluents, un débit remarquable, une grande longueur, mais ce qui permet de lever toute ambiguïté, c'est son exutoire à la mer. En Nouvelle-Calédonie, et exclusivement sur la Grande-Terre, chaque rivière prenant naissance dans la Chaîne et rejoignant la mer sur les côtes Est ou Ouest, est donc un fleuve. Ainsi, la Yaté, l'Amoa, la Tontouta, la Néra, la Pouembout, la Ouaième comme 42 autres cours d'eau de Nouvelle-Calédonie peuvent être nommés: “fleuve”.

La France, elle compte plus d'un millier de fleuves dont les 4 plus grands étaient appris par choeur par les écoliers et les collégiens, par ordre décroissant de longueur, soit pour les nostalgiques: la Loire, le Rhône, la Seine et la Garonne.

En conclusion, le Diahot n'est pas le seul fleuve de la Nouvelle-Calédonie mais il en est le plus long avec presque 100 kms de distance depuis sa source.

2. James Cook a baptisé notre pays “New Caledonia” en souvenir de son Ecosse natale! FAUX

Cette erreur est de moins en moins entendue ou lue mais pendant longtemps, elle a troublé les esprits de celles et ceux qui savaient. Et fait gonfler les poitrines de celles et ceux qui ne savaient pas... James Cook (1728-1779), sans doute le plus grand et le plus célèbre des navigateurs-explorateurs britanniques est né à Marton, un village non loin de Middlesbrough, capitale du comté du même nom dans la partie septentrionale du Yorkshire sur la côte Nord-Est de l'Angleterre, au bord de la Mer du Nord. L'Ecosse, d'où son père était originaire est éloignée de sa région natale de plus de 120 kms vers le Nord.

James Cook n'est pas né en Ecosse qui ne peut donc pas être sa terre natale!

Du latin Caledonia, la Calédonie du temps de la conquête romaine, désigne l'ancien nom de l'Ecosse, la partie Nord de la Grande-Bretagne qui s'étendait au Nord des murs d'Hadrien d'abord puis d'Antonin ensuite. Le nom de Nouvelle-Ecosse (Nova Scotia) déjà attribué en 1621 par le Roi Jacques 1er d'Angleterre à une péninsule située sur la côte Est du Canada actuel, Cook maintint son idée première mais en choisissant l'ancien nom de l'Ecosse. C'est ainsi que l'emporta le nom de New Caledonia, la Nouvelle-Calédonie, en 1774, lors de son deuxième voyage dans le Pacifique.

3. La photographie de Eloi Machoro brisant l'urne électorale de Canala a été mise en scène! FAUX

Cette rumeur à la vie dure.

Encore dernièrement, une interrogation d'un historiographe désormais expatrié relança (volontairement?) une polémique locale, déjà ancienne. La rumeur persiste à faire croire et à diffuser l'idée que la fameuse scène fut “bidouillée” par un photographe australien qui demanda aux protagonistes de prendre la pause tandis que Eloi Machoro brisait la fameuse urne. Cette image, la plus symbolique du boycott actif des élections territoriales de novembre 1984 et du début du segment le plus insurrectionnel de la période dite des “Evénements”, fit, dit-on, le tour du monde.

La photographie du 18 novembre 1984 a donc été prise, sans mise en scène, par Louise Takamatsu, la correspondante locale des Nouvelles-Calédoniennes à l'époque, qui était au bon moment, au bon endroit. La présence d'un autre journaliste n'est pas rapportée par les acteurs présents. Le nom de Louise n'est mentionné nulle part sur ce cliché, malgré sa diffusion très large. Inutile alors de parler de ses droits d'auteur... qui ont peut-être profité à un autre. Louise est un peu notre Alberto Korda de Nouvelle-Calédonie. L'Atlas de la Nouvelle-Calédonie, planche 24, page 112, a tenté de réviser cette erreur, sans succès apparent chez certains. Il est rageant pour celles et ceux qui tentent de rectifier ces erreurs, et dommageable pour les chercheurs qui rétablissent la réalité historique tangible, de constater que les rumeurs et les fausses informations ont encore autant d'audience chez certains dont l'essence même de la profession et de son éthique est de délivrer la juste et bonne information; de rapporter les faits tels qui se sont déroulés.

Enfin, pour l'anecdote, le 18 novembre est la date anniversaire de Marcel Nonnaro qui sera tué le 12 janvier suivant à La Foa aux côtés d'Eloi Machoro.

4. Le phare Amédée a été installé par erreur à Port-de-France (futur Nouméa) au lieu de Fort-de-France à la Martinique. FAUX!

Sans doute sortie tout droit de l'imagination débordante d'un esprit taquin, cette étrange version a eu la vie dure. En effet, rien ne permet d'étayer cette information qui voudrait que la destination de l'actuel phare sur l'îlot Amédée soit le fruit d'une confusion entre deux villes dont seule la lettre initiale permit de les distinguer: Port-de-France et Fort-de-France.

Les autorités de la jeune colonie australe du Pacifique saisissent la Commission des Phares à laquelle est confié le soin de déterminer l'emplacement et les caractéristiques du grand phare qu'elles réclament à cor et à cri depuis plusieurs années. Après quelques hésitations, celui-ci doit être situé sur un îlot de la barrière de corail, dénomméAmédée, à proximité de la passe de Boulari, une des trois grandes “portes d'entrée” dans le lagon sud calédonien. Nous sommes à la fin du mois de juin 1861. Léonce Reynaud, ingénieur et architecte, dessine en quelques jours les plans d’une tour en fer de 45 mètres, dont le principe a été retenu par la Commission des Phares et le Comité des Travaux de la Marine. La construction métallique est confiée aux ateliers de François Rigolet. Le mécano géant de 367 tonnes et de près de 1300 pièces est monté en moins d'un an. L'allumage du phare a lieu le 15 novembre 1865, dix ans après la construction du premier phare de la pointe des Nègres qui domine Fort-de-France, la capitale martiniquaise...

5. La baie de Prony. FAUX!

On doit à Luc Chevalier, ancien conservateur du Musée de la Nouvelle-Calédonie, ancien élu de l'Union Calédonienne à l'Assemblée territoriale et grand passionné de la région du Sud calédonien, qui à chaque fois qu'il parlait de cette baie, n'avait de cesse de rappeler son origine afin d'abolir le “DE” au profit du “DU”. Et, ainsi de mettre un terme à la guerre entre ces deux déterminants indéfinis partitifs.

Qu'on se le dise, une bonne fois pour toutes! La baie de Prony n'existe pas! La baie du Prony, par contre, elle, est bien réelle!... En effet, le Prony n'est ni le nom d'une ville française, ou celui d'une lointaine galaxie, c'est le nom du navire qui entrepris l'hydrographie de la baie qui porte désormais son nom dans les années qui suivirent la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France. Ce navire honore le baron Gaspard de Prony (1755-1839), grand ingénieur et scientifique français. Donc résumons-nous: Prony donne son nom à un navire qui lui-même donne son nom à une baie. Voilà le bon ordre, même si Gaspard aurait bien mérité une baie à son nom!...

6. Les “Iles Loyautés” FAUX!

Il est récurrent de voir et donc de lire le mot “Loyauté” employé pour qualifier les Iles éponymes (Lifou, Maré, Ouvéa et Tiga) écrit au pluriel. C'est une erreur classique, et elle se devait de figurer ici. Apparemment et sans autre explication sensée, pour certains le pluriel doit s'imposer pour le mot “loyauté” sauf que les îles formant le balancier symbolique de la Grande-Terre, l'île principale de l'archipel calédonien, ont été nommées en anglais au XIXème siècle, “loyalty island”: les îles de la Loyauté. En hommage au sens aigu de la parole donnée et de son respect par les habitants de ces îles que l'histoire avait mis en contact avec les santaliers, baleiniers, et autres “beachcombers”, tous anglophones.

7. Les goélettes du toit d'une case: FAUX!

Enième erreur de prononciation, née d'une confusion et qui se termine en faute de vocabulaire, comme bien d'autres. Il n'y a pas (et prions pour qu'il n'y en ait pas...) de goélettes dans une case kanak. D'ailleurs que viendrait faire dans cette galère architecturale, un terme de marine désignant un type de navire, de voilier en l'occurence, pouvant accueillir entre 2 et 7 mâts! Non, franchement on ne voit aucun rapport entre le mot “goélette” et le mot “gaulette”, sinon leur grande proximité phonique. Par contre, la charpente d'une case est constituée de très nombreuses petites gaules, appelés gaulettes, ces segments de bois généralement souples fixés aux arbalétriers et espacés tous les 15 à 20 centimètres. Les panneaux de feuilles de cocotiers tressés puis les bottes de paille y sont attachés solidement grâce à un noeud auto-bloquant.