Yves Lacoste, "Question de géopolitique.", Le livre de poche, Paris, 1988. (Extraits du chapitre sur la mer p. 117 à 203)
Au cours des 20 dernières années, les changements les plus grands sont surtout en mer et entraînent des bouleversements d’envergure planétaire de données géopolitiques et géostratégiques fondamentales.
1. Annexion par les États de vastes étendues marines. Accroître la souveraineté non plus sur les terres émergées mais sur les mers.
2. Multiplication des micro-États insulaires. Des îles accèdent au statut d’État indépendant avec l’aide de l’ONU et l’appui de l’ancienne puissance coloniale ; 1978 : 50 États souverains de moins de 200.000 habitants dont 40 sont des îles.
3. Importance du rôle des sous-marins nucléaires dans l’arsenal de dissuasion des grandes puissances militaires (seule arme dont la localisation n’est pas repérable). La mer en profondeur est un refuge d’envergure planétaire.
4. Le développement d’une formidable puissance navale soviétique.
Les théoriciens de la géopolitique opposent le « sea power » au « continental power ».
Conflits et litiges sur ces nouvelles frontières maritimes.
28 septembre 1945 : TRUMAN proclame l’extension de la juridiction des Etats-Unis sur les ressources biologiques et minérales au large de leurs côtes sur le plateau continental (gisements pétroliers).
1947 : Le Pérou décrète l’extension à 200 miles de ses eaux territoriales (bancs d’anchois)
1952/1954 : Déclarations de Lima et de Santiago. La plupart des États d’Amérique du Sud proclament l’extension à 200 miles de leurs eaux territoriales.
1958 : Conférence de Genève sur le droit de la mer, largeur des 200 miles est proposée (ZEE).
Caracas 1974, Genève 1975, New-York 1976 : accord sur l’élargissement à 12 miles des eaux territoriales.
Montego Bay, 1982 : La largeur est entérinée. Dans les 120 détroits d’importance économique et stratégique, on proclame un droit de transit, avec droit de passage en surface pour les submersibles et de survol pour les aéronefs.
E-U, R-U, Irlande, P-B, Belgique, Danemark, Allemagne, Australie, Nicaragua : 3 miles
Norvège, Finlande : 4 miles
Grèce, Turquie, Israël : 8 miles
Nigéria : 30 miles
Madagascar, Tanzanie : 50 miles
Angola : 100 miles
Sénégal : 150 miles
Somalie, Guinée, Sierra-Léone, Libéria, Ghana, Bénin, Togo, Congo, Panama, Salvador, Équateur, Pérou, Argentine, Uruguay, Brésil : 200 miles.
Cet élargissement de la prétention des États sur les fonds marins résulte de perspectives d’exploitation à grande profondeur.
1970 : Décision de l’ONU : richesse des fonds marins devraient être exploitées dans l’intérêt commun de l’Humanité et principalement à l’avantage des pays du Tiers-Monde.
Le principe de l’équidistance : le calcul s’appuie sur la ligne de base.
Les litiges concernent les îlots longtemps délaissés.
Ce sont près des guirlandes insulaires d’Extrême-Orient qu’il y a le plus grand nombre de litiges à propos d’îlots.
Japon/Russie : Nord d’Hokkaïdo (îles Kumashiri, Habomai, Shikotan) annexées en 1945.
Japon/Taïwan/Chine : îles Senkaku, près des Riu-Kyu.
Japon/Corée : îles Takeshima, Danjo.
Vietnam/Chine/Taïwan/Philippines : archipels des Paracels.
Vietnam/Chine/Taïwan/Philippines/Brunéi/Malaisie : archipel des Spratley
Ces deux archipels constituent une part importante du contentieux sino-vietnamien.
Chine : le champion de la thèse de la territorialisation des ZEE (assimilation des ZEE aux eaux territoriales avec circulation limitée voire interdite.)
Philippines : 7100 îles séparées par un statut archipélagique = eaux intérieures, statut controversé par l’Indonésie, la Malaisie, Taïwan, la Chine, le Japon et le Vietnam.
Vietnam/Cambodge: île de Phu Quoc.
Thaïlande/Cambodge/Vietnam: golfe de Siam.
La multiplication des micro-États insulaires.
Les Etats-Unis à l‘égard de nombreux archipels du Pacifique sont sous leur tutelle depuis la fin de la 2è GM. Depuis quelques années, octroi d’autonomie, semi-indépendance, indépendance à terme.
Wake et Midway, annexés en 1867, territoires sous-tutelle depuis 1946.
Guam : 1898
Hawaï annexés en 1899, 50ème État de l’Union en 1959.
Samoa : 1878.
- Territoires sous tutelle :
- Îles Mariannes : sécession encouragée, Commonwealth des Mariannes du Nord.
- États fédérés de Micronésie : 200 îles sur 8 millions de km2, 80.000 habitants, 9 langues différentes.
- Île Marshall : 200 îles sur environ 8 millions de km2, entité politique associée aux Etats-Unis, 33.000 habitants.
- République de Palau, associée aux Etats-Unis, 15.000 habitants.
C’est au Sud de l’Équateur, que le morcellement géopolitique du Pacifique est le plus poussé.
- Autres États.
- République de Nauru : membre spécial du Commonwealth de G-B, 7700 habitants.
- Royaume des Cook : associé à la N-Z qui en avait reçu le protectorat après la 1ere GM, 15.000 habitants.
- Royaume de Tuvalu : membre du Commonwealth, 8.000 habitants, anciennement îles Ellice.
- République de Niue : associée à la N-Z, 3.500 habitants.
- République de Kiribati : membre du Commonwealth, 60.000 habitants, anciennement Îles Gilbert.
- Royaume de Tonga : membre du Commonwealth, 98.000 habitants.
- Samoa Occidentales : 160.000 habitants.
- Salomons : 240.000 habitants.
- République de Vanuatu : 112.000 habitants.
- Îles Fidji : 660.000 habitants dont la moitié d’Indiens, géant démographique du Pacifique Sud.
Ces micro-États sont des pseudo-Etats totalement dépendant d’une grande puissance. Les relations de dépendance sont poussées plus loin que partout ailleurs. L’indépendance est une stratégie libérée de l’impérialisme. Chacun d’entre eux est détenteur d’une vaste ZEE.
Balkanisation de l’Océan Pacifique => instabilité politique : le nouveau centre du système mondial est un centre vide !
Qu’est-ce qu’un micro-Etat ?
Taille du territoire, effectif de la population. Ils occupent de nouveaux sièges à l’ONU, ils ont une voix comme la Chine. Ces micro-Etats sont formés de plusieurs centaines d’îles sur de vastes étendues sans unités politiques et culturelle. Les mouvements séparatistes ne manquent pas d’y apparaître. Ils ne sont guère viables économiquement et sont exposés à des risques encore plus vulnérables (volcaniques, cycloniques, débarquement militaire).
Le nouveau principe de base de la géopolitique planétaire est l’opposition Terre/Mer, l’antagonisme entre une puissance continentale et une puissance maritime.
Amiral MAHAN son argumentation repose sur l’analyse de la rivalité franco-britannique au temps de la marine à voile.
1890 : publication de « L’influence de la puissance maritime sur l’histoire (1660-1783) »
1892 : publication de « L’influence de la puissance maritime sur la Révolution et l’Empire français (1793-1812) ». Ce sont ses deux ouvrages fondamentaux.
Sir Halford MAC KINDER (1861-1947) bon géographe.
1904 : “The geographical pivot of history” (son 1er article de géopolitique dans Geographycal journal). Il y oppose la terre et la mer, considère l’Eurasie comme le continent par excellence opposé à un anneau océanique où se trouve quelques grandes îles dont l’Amérique « qui commande à l’Est de l’Europe, commande au Heartland, au cœur de l’Eurasie ; qui commande au Heartkland commande à l’île-monde, qui commande à l’île-monde, commande au monde. » Sa thèse est considérée comme le fondement de la géopolitique mondiale.
1919 : « Democratic ideals and reality »
Complexité de nouveaux problèmes, ceux qui se posent aujourd’hui à propos des étendues océaniques sont graves, nouveaux, compliqués.