Pierre M. Gallois, "Géopolitique, les voies de la puissance.", Plon Paris, 1991. (extraits du chapitre XIII sur la géopolitique des mers (p. 222 à 332).
« Continentalistes » : à quoi bon exercer la souveraineté sur les mers puisque le développement des transports terrestres dénie maintenant à la mer une part des services offerts à l’Humanité. Les transports par eaux sont moins coûteux, plus aisés et plus sûrs, il y a une dépendance de la terre vis-à-vis de la mer.
Au cours des siècles, les hommes politiques et les stratèges s’étaient interrogés sur la priorité terre ou mer ? Dominer par la terre ou par la mer.
Thèses russe puis soviétique : conquête des terres puis maîtrisent des mers.
Thèse britannique : par les mers dominer les terres.
L’association sous-marin, propulsion nucléaire et missile balistique : nouvelle vision, celle de la maîtrise de la terre par les mers.
Les vocations maritimes ont plusieurs conditions : géographie physique, régime des vents et des courants, position occupée sur le globe, ressources de l’arrière-pays.
Mers côtières : prolongement intermittent de la vie sur le littoral.
« Le moi prend conscience de lui-même au contact du non-moi » Vidal de la Blache décrit ainsi la mentalité particulière des frontaliers.
1911, F.J. TURNER et E.C. SEMPLE, historiens et géographes américains font une étude sur la psychologie des populations vivant aux frontières.
Les cabalistes médiévaux voyaient dans l’histoire du monde, le combat entre la puissante baleine (Léviathan) et le puissant Béhémoth (animal terrien, sorte d’éléphant-taureau).
1904 L.S. AMERY, face à la thèse de Mac KINDER (pivot du monde), il avance une triple opposition :
- Peuples de la mer ;
- Peuples de la terre ;
- Peuples riverains (marges agraires des continents);
Les populations des zones littorales sont démographiquement plus avantagées, économiquement et culturellement plus avancées, elles bénéficient des apports convergents et complémentaires de la terre et de la mer qui en font un carrefour des échanges, elles les assument en s’enrichissant.
Les conquérants terrestres élargissent leur territoire aux dépens de leurs voisins.
Les conquérants maritimes interviennent à distance du sol national.
La quête d’espace selon qu’elle est effectuée par contiguïté ou par discontinuité spatiale accentuent les différences préexistantes entre les peuples de terre et de la mer.
F. RATZEL : « entreprendre une aventure maritime est la plus importante des décisions d’un État. »
Sir Julian CORBETT (1854-1922) professeur de stratégie navale au Royal naval war college de Greenwich (1900), historien naval officiel de la guerre contre l’Allemagne (1914-1918), selon lui, la stratégie maritime est avant tout le contrôle des mers, s’assurer le libre usage de l’océan.
Albert DEMANGEON (1872-1940), professeur d’histoire et de géographie à la Sorbonne.
Grande-Bretagne : 14.000 kms de littoral, côtes à 150 kms maximum, vastes estuaires et nombreuses rivières => géomorphologie qui la prédisposait à régner sur les océans.
1570 : premiers navires anglais au sud de l’Équateur.
1436 : Adam de MOLEYNS, évêque de Chichester : « Keep then the sea, that is the wall of England” (Garde le contrôle de la mer car elle est le mur de l’Angleterre.)
Vicomte WIMBLEDON étude : « Comment défendre les côtes du royaume de sa majesté si notre marine royale était ailleurs employée ou neutralisée ? »
Lord PALMERSON : « La vapeur vient de jeter un pont sur la Manche. »
Le Prince de JOINVILLE évoqua dans la revue des deux mondes (1844) les conséquences de la propulsion par la vapeur.
Carl SCHMITT « Terre et Mer », Labyrinthe, Paris, 1985.
Au début de la Seconde Guerre Mondiale, toute tentative d’invasion par la mer devait être précédée par la domination des airs, ce qui implique la maîtrise de trois facteurs : l’air, la mer et d’une force de débarquement sur les défenses terrestres côtières.
Les « Mercantilistes » croyaient que l’or et l’argent (quasi-monopole espagnol) constituaient à eux seuls la richesse des nations, il fallait alors que la valeur des exportations dépasse celle des importations, la différence assure la fortune nationale.
Thomas MUN (1571-1641), commerçant et économiste, actionnaire de la East India Company, il justifia par ses écrits, les pratiques de cette entreprise, à la fois le critique et le meilleur analyste de la doctrine mercantiliste.
Il réclame au gouvernement de vendre à l’extérieur plus qu’il n’y achète, qu’il fasse transporter les biens étrangers sur des navires anglais (les Britanniques perçoivent le prix du fret) qu’il augmente les échanges, libère le commerce afin de faire de l’Angleterre le centre des économies.
Cardinal de RICHELIEU : « Il semblerait que la Nature a offert à la France, l’empire des mers car l’avantageuse situation de ses côtes procure d’excellents ports sur l’Atlantique et la Méditerranée. »
En réalité ces deux façades maritimes sont séparées par un détroit que l’Angleterre contrôle depuis 1704 (Gibraltar) n’ont pas contribué au renforcement de la puissance navale de la France.
En moins de 130 ans, la France a été envahie en 1814, 1815, 1870, 1914 et 1940 et sa capitale 4 fois occupée par l’ennemi.
FISCHER, Amiral britannique : « 5 clés verrouillent le monde disait-il et ces 5 clés appartiennent à l’Angleterre » (Singapour, Le Cap, Alexandrie, Gibraltar et Douvres).
Au traité d’Utrecht (1713), la GB acquiert Terre-neuve, Gibraltar, Aix-la-Chapelle, la Floride, la Mer des caraïbes, le Canada et l’Inde.
1951 : traité de coopération et de sécurité mutuelle entre les E-U et les Philippines.
1952 : traité de coopération et de sécurité mutuelle entre les E-U et le Japon.
1954 : traité de coopération et de sécurité mutuelle entre les E-U et Taïwan.
Amiral GORSHKOV, la rapide expansion maritime de l’URSS est un fait historique surprenant et capital. L’une des grandes puissances de la terre devient une puissance de la mer.
Pour Staline, la Russie est le conquérant des terres.
Brejnev sous le régime duquel l’URSS a projeté son influence à distance, il est le conquérant des mers.
La puissance maritime de l’URSS = forces navales + marine marchande + flotte de pêche. Ces dernières sont les deux plus importantes du monde et sont plus ou moins rattachées à l’Amirauté. Les manœuvres navales comme Okean 75 y associe la flotte marchande.
On entend par points modaux des routes maritimes (choke points des anglosaxons), les détroits, les mers fermées ou à demi-fermées, îles et micro-États.
Les côtes américaines sont régulières (presque droites) avec 3 détroits principaux : Béring, Panama et Magellan.
Les côtes asiatiques sont un littoral tourmenté (presqu’île, péninsules, nombreuses mers à demi-fermées, archipels, îles) avec une douzaine de mers intérieures (Béring, d’Okhostk, du Japon, jaune, de Chine orientale, Chine méridionale, de Soulon, de Célèbes, de Banda, de Corail, de Tasmanie) et des détroits (Lapérouse, Tsugaru, Tsushima, Formose, Bachi, Malacca, Macassar, Lombok, Florès, Torres) qui sont autant d’enjeux politico-stratégiques.
La stratégie des péninsules : Indochine, Corée.
La stratégie future du Bassin Pacifique reposerait sur des clés nouvelles (Malacca, Florès, Tsushima et Lapérouse à l’Ouest, Panama à l’Est) mais aucune de ces clés n’appartiennent aux 2 grandes puissances de la mer. La multipolarité est la caractéristique du monde façonné par la 2è GM.
ONU : 160 États souverains dont 38 ont moins d’un million d’habitants voire moins. A l’origine : 51 États en 1945 actuellement 160 (1991). 89 des 108 pays-membrez non-originaires admis de 1946 à 1984 ont obtenu leur indépendance depuis la 2è GM.
Sheila HARDEN « Small is dangerous, microstates in a macro world.”
“Les micro-États peuvent être à l’origine de macro-désordres » à l’ONU et dans les grandes capitales. La crise des Falkland et la débâcle de la Grenade mettent en évidence le fait que chroniquement les grandes puissances sous-estiment les problèmes que suscitent les micro-États. » « Les micro-États sont les honorables séquelles des empires européens disparus. » Ils vivent une vie artificielle et ont le droit à l’existence sans en avoir les moyens. L’État, c’est le peuple et l’espace, en quantité et en dimension, les micro-États n’ont ni l’un, ni l’autre. »
Au sein du Commonwealth, 14 États ont moins de 100.000 habitants.
École française de géographie politique : « L’espace territorial n’est pas toujours indispensable pour justifier l’État. »
L’Allemand Edouard MEYER voyait dans l’État, « la conscience de l’éternité de groupement. »
Les micro-États sont la solution commode à des situations géopolitiques complexes, leur fragilité sont les intérêts des puissances qui les accueillent à l’ONU.
A.T. MAHAN (1840-1914), il contribue à l’élaboration de la puissance navale des Etats-Unis.
Amiral Von TIRPITZ : « Une puissance n’est grande que si elle règne sur les mers. »
1916 : Naval Act : Etats-Unis auraient la première des flottes militaires.
« La jeune école » née des carences de la marine militaire française en 1871, elle est animée par l’amiral T. AUBE (le torpilleur est l’arme décisive de la guerre de course).
Etats-Unis : 1850, la Californie et la côte du Pacifique sont politiquement atteintes.
1858 : atoll Johnston
1859 : atoll Jarvis
Président CLEVELAND (1837-1908) « Aujourd’hui, les Etats-Unis sont souverains sur ce continent. »
Président MAC KINLEY (1843-1901) Il engage son pays dans la guerre hispano-américaine et prennent possession de Porto Rico, Philippines, Guam, Wake en 1898, Hawaï occupés en 1893 sont annexés en 1898.
Sir James STEWART (1712-1780) en 1767 « traité de mercantislisme » (Inquiry into the principles of political economy) publié seulement à cette date, 9 ans seulement avant la condamnation du mercantilisme par Adam SMITH dans son « Inquiry into the nature and causes of the wealth of nations.)
Henry L. STIMSON, secrétaire d’Etat US à la guerre (1940-1945)
« L’État d‘esprit du département de la marine semble souvent sortir du domaine de la logique pour entrer dans celui du mysticisme où Neptune serait dieu, Mahan son prophète et la Marine US, la seule vraie église. »
Antoine De JOMINI (1779-1869), écrivain militaire suisse, « Précis de l’art de la guerre » publié en 1836.
Pour MAHAN Il y a 6 conditions à l’accession à la maîtrise des mers :
- Position géographique 4. Population
- Configuration physique du territoire 5. Caractère national
- Étendue du territoire 6. Institutions
MAHAN : « Sans la mer, l’Angleterre languit, la Hollande meurt. »
Antoine de MONTCHRETIEN (1576-1621) théoricien du mercantilisme, « Traité de l’économie politique » publié en 1615. D’après lui, les Français et les Espagnols sont mal préparés à l’activité commerciale des XVIIème et XVIIIème siècles.
Jusqu’à la fin du XIXème, l’attitude de la France ne permet pas la conception, la réalisation et l’entretien d’une marine puissante.
Théodore ROOSEVELT s’attache à faire de son pays une puissance mondiale. C’est un ami de MAHAN (MAHAN est adulé en GB et encensé en Allemagne, notamment par l’amiral Von TIRPITZ et la ligue maritime).
Amiral Raoul CASTEX « Mélanges stratégiques. »
Il démontre les effets de la position géographique de la France sur la conduite de sa politique générale et de sa stratégie. La France s’opposa à la puissance de la mer où s’y associa afin d’écarter de son sol, les menaces venant de la terre.
CASTEX est un homme de l’air et non celui des trajectoires balistiques.
La politique coloniale de la France amplifia les oscillations entre la terre et la mer, pratique de deux stratégies en simultanée.
« Dans la pratique, notre terre n’est pas invariable comme nous l’enseignait la géographie théorique. Elle se contracte ou se dilate selon la vitesse et les commodités des engins de transports mis à notre disposition, ses dimensions virtuelles varient en raison inverse de la puissance de ceux-ci, notre terre fait l’accordéon au gré de ces facteurs techniques. »
Amiral MAHAN et GORSHKOV ont plus d’un trait commun :
Tous 2 ont mené une ardente campagne pour faire de leur pays une grande puissance de la mer. L’URSS a un littoral deux fois plus long que les USA mais n’a guère de débouchés sur la haute-mer.
Richard NIXON : « Ce dont a besoin l’Union soviétique est différent de ce dont nous avons besoin nous-même, elle est une puissance de la terre et nous nous sommes d’abord une puissance de la mer. »
S. GORSHKOV (1910-1988) « The sea power of the state.”
Il se soucie peu de géopolitique, il traite plutôt de stratégie navale en général et de son pays en particulier. Pour lui, la Marine de surface est le meilleur des instruments du rayonnement national. Avec l’aviation de transport à long rayon d’action + la Marine de surface soviétique, elles servent la stratégie expansionniste du Maréchal GRECHKO « Lutter contre l’impérialisme en quelques distantes régions où il se manifeste. » (1972)
En 25 ans, GORSHKOV donne à son pays la plus puissantes des forces navales.
Bassin Arctique : 50% des réserves mondiales de pétrole, riche en métaux rares, énergie géothermique, 14 millions de km2. L’Arctique pourrait être la dernière réserve de l’Humanité.