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Il y a 36 ans, l'accord de Matignon sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Il y a 36 ans aujourd'hui, ce mercredi 26 juin 2024, l'Accord de Matignon (suivi par celui d'Oudinot, au mois d'août) intervenait après plusieurs étapes.

A la suite d’un séjour de 3 semaines en Nouvelle-Calédonie (20 mai - 8 juin), la Mission du Dialogue, dont l'objectif était de "rétablir la paix des coeurs, des esprits et des âmes",  remet son rapport d’évaluation au Premier Ministre, Michel Rocard, le 15 juin.

Le même jour, le Préfet Christian Blanc, et chef de la précédente mission, s'entretient, en l'absence excusée de Michel Rocard qui souffre de coliques néphrétiques, avec Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, présents à Paris dans le plus grand secret, pour un entretien de près de 3 heures.

Et enfin, du samedi 25 juin, 19h00 au dimanche 26 juin vers 4 heures du matin, les deux délégations RPCR et FLNKS s'enferment littéralement dans le salon jaune du rez-de-chaussée, (celui qui donne directement sur les jardins et la pelouse du grand parc arboré) pour un second round, nocturne cette fois-ci, de discussions et d'échanges. En plus de leur chef respectif, les délégations sont composées pour le RPCR de: Maurice Nénou, Dick Ukeiwé, Jean Lèques, Henri Wetta, Pierre Frogier, Pierre Brétégnier et Robert Naxué Paouta; pour le FLNKS: Yeiwéné Yeiwéné, Caroline Machoro, la seule femme autour de la table des négociations, Edmond Nékiriaï et Nidoish Naisseline.

Puis au petit matin, cette fameuse poignée de main, l’officielle, entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, qui scellait devant les objectifs des photographes une réconciliation historique.

Dans son "impérieuse nécessité de contribuer à la paix civile", L'Accord de Matignon prévoit:

1. Une administration directe de la Nouvelle-Calédonie par l'Etat pour les 12 prochains mois;

2. Une politique de rééquilibrage en formation, en services, emplois et crédits publics et en équipements;

3. Une opération de formation de 400 cadres supérieurs et moyens;

4. La ratification du peuple français par voie de référendum (qui aura lieu le 6 novembre 1988);

5. Des élections territoriales en 1989 avec une refonte préalable des listes électorales;

6. Un recensement général de la population au cours de l'année 1989;

7. Deux séries de contrats Etat-Province, la première triennale (1990-1992) et la seconde quinquennale (1993-1997);

8. Une politique de grands travaux (la transversale Koné-Tiwaka, la route côtière Houaïlou-Canala et le port en eau profonde de Népoui);

9. Un programme d'aménagement dans le cadre de travaux d'utilité collective doté d'une enveloppe exceptionnelle de 32 millions de FF (600 millions cfp);

10. Une réorganisation des services de l'Etat et du Territoire nécessitée par les nouvelles structures provinciales;

11. La création de l'Agence de Développement de la Culture Canaque (sic);

12. La réalisation par la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) d'un cahier des charges pour garantir le pluralisme de l'information et la diversité des programmes;

13. L'organisation d'un scrutin d'autodétermination en 1998;

14. Une loi d'amnistie exceptée pour les crimes de sang;

15. Une indemnisation par l'Etat des exactions commises;

16. La création d'un territoire fédéral avec 3 provinces;

17. La création d'un congrès du Territoire dont la représentation est proportionnelle à la population de chaque province;

18. Une nouvelle répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales que sont la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes;

19. La mise en place d'un Conseil consultatif coutumier;

20. L'institution d'une clé de répartition des finances locales, volontairement inégalitaire;

Et enfin, un 21 ème point, une clause tenue secrète, celle de la vente de la SMSP, la société minière de Jacques Lafleur à la future Province Nord, via la Sofinor, sa société de participation financière.

De plus, mais on l’apprit plus tard, Jacques Lafleur sous la pression de certains de ses fidèles militants de Poya obtint que la partie Sud de la commune de Poya soit intégrée à la Province Sud. Yeiwéné qui sentit Jacques Lafleur gêné aux entournures par cette exigence eut déclaré: « (…) d’accord, on doit bien ça au vieux. »

Dans la répartition des compétences, seuls 3 aérodromes restèrent dans le périmètre de la Nouvelle-Calédonie et non des Provinces: Wanaham à Lifou, Koné et Magenta à Nouméa.

La célèbre poignée de mains qui symbolise cet accord, si elle est synonyme de paix, entérine également cette liste de points de convergence et d'ancrage, garants d'une paix durable, d'une coexistence pacifique, d'un dialogue constructif et d'une reconnaissance commune de l'identité et de la dignité de chaque communauté.

Que reste t-il aujourd'hui de l'esprit de Matignon? Que reste t-il de l'audace élevée au grain de la folie. Cet acte impossible, impensable, improbable qui devint réalité parce qu'ils ont simplement osé dépasser les limites communément admises. Sortir de sa réserve pour Jean-Marie et parier sur l'intelligence du Sens; transgresser le complexe du barbelé pour Jacques, même avec l'impulsion de la pression; marcher dans les pas et les couloirs du Palais des Nations à Genève pour Rocard comme un lointain mais si proche hommage à Mendès-France, son mentor en politique qui déclarait le 20 juillet 1954 durant les négociations relatives à la fin de la Guerre d'Indochine: "Ce sera aujourd'hui ou ce ne sera jamais". Le lendemain le cessez-le-feu entre la France et le Vietminh était signé.

Ici bas, pour nous, pour tous les Calédoniens, l'armistice était conclu le 26 juin 1988.

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