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L'usine du Nord, un formidable pari sur l'intelligence et sur l'avenir.

Les plus hautes instances de l'Etat se sont accordées à reconnaître le sérieux, la crédibilité et la viabilité du projet de l'usine du Nord présenté par Falconbridge et la SMSP. Désormais, l'objectif prioritaire pour la SMSP et la Province Nord est de s'approprier le domaine minier détenu par l'Etat, afin d'accéder à une indépendance économique qui appellera d'elle-même une émancipation politique: là est l'enjeu de l'usine du Nord et l'explication du“geste fort” demandé à l'Etat par le FLNKS.

Jusqu'en1988, les revendications du peuple kanak pour sa reconnaissance et son indépendance se sont illustrées par le dialogue de la force. A cette date un point de non-retour fut atteint, un paroxysme dans l'affrontement idéologique que les accords de Matignon ont mis entre parenthèses, afin de donner une chance à la force du dialogue. La provincialisation et le concept de “rééquilibrage” ont permis aux collectivités contrôlées par les Indépendantistes de gérer elles-mêmes leur politique de développement avec les succès et les échecs que l'on sait. Dans l'ombre et la discrétion, la SMSP est devenue, en cinq ans seulement, l'un des principaux producteurs de nickel au monde et se poserait comme un interlocuteur incontournable face aux fondeurs japonais et aux “traders” du London Metal Exchange. Le choix de la multinationale n'est pas étranger à plusieurs considérations. La mondialisation de l'économie et des échanges commerciaux autorise aujourd'hui une firme minière canadienne, australienne ou américaine à exploiter des gisements sur toute la surface de la planète et dans tous les pays. Les frontières idéologiques d'avant 1989 n'existent plus. Dans la concurrence acharnée que se livrent ces multinationales,l'exploitation du gisement du Nord permettrait à Falconbridge, l'éternel dauphin d'Inco, de détenir le leadership de la production mondiale de nickel.

Dans les dix prochaines années, les pays de la façade asiatique et américaine du Bassin Pacifique connaîtront les plus forts taux d'accroissement de leur production industrielle et seront largement demandeurs de matières premières et de ressources énergétiques que pourraient en partie fournir les Etats insulaires du Pacifique(or, argent et bauxite des Salomon; cuivre de Bougainville; or et pétrole de Papouasie Nouvelle-Guinée; nickel, chrome et cobalt de Nouvelle-Calédonie). Ces ressources et ces gisements ont le double avantage d'être exploitables, abondants et proches des centres de consommation du Sud-Est asiatique, évitant ainsi les coûteuses ruptures de charge. Le colossal investissement de Falconbridge répondrait donc aux alléchantes perspectives du marché mondial à l'horizon 2003, date à laquelle les experts estiment la demande de nickel supérieure à l'offre. On en connaît pas d'exemple probant d'une multinationale investissant à perte...

Le milliard de dollars qui devrait être investi correspond à la somme vertigineuse de 100 milliards cfp, soit environ les bénéfices cumulés enregistrés ces cinq dernières années par Falconbridge.La multinationale canadienne se donne manifestement les moyens de sapolitique et rejoint en cela les dirigeants de la Province Nord et de la SMSP.

Depuis trente ans qu'on en parle, le projet de l'usine du Nord serait donc sur le point d'aboutir. Ce serait l'outil indispensable qui donnerait enfin réellement un sens au mot “rééquilibrage”. Ce projet est certainement le mieux à même, à l'heure actuelle, de donner à tous les habitants du Territoire la confiance et les raisons d'espérer en l'avenir et de tempérer ainsi les atermoiements de certains sur une énième crise économique, destinés à passionner plus qu'à rassurer. L'usine du Nord est une des composantes de l'idée indépendantiste de rallier à ses revendications et à son projet de société le plus grand nombre de Calédoniens, et d'apporter par là-même la réponse au message lancé par Jean-MarieTjibaou à l'issue des accords de Matignon: “Dix ans, ce n'est pas un répit, c'est un défi.”La Province Nord et la SMSP auront donc mis à profit ce répit pour relever un défi d'une envergure exceptionnelle. C'est cette réussite que certains jalousent, car ils s'en sont écartés et voudraient bien voir le projet capoter ou le récupérer à leur seul avantage.La Nouvelle-Calédonie, pays des occasions manquées, ne peut pas s'offrir le luxe de laisser échapper, une fois de plus, une telle opportunité. L'usine du Nord est une étape essentielle du processus de décolonisation souhaité par le FLNKS dès 1998, mais jusqu'où l'Etat est-il prêt à aller trop loin en fonction de ses intérêts?Elle sera l'évidente charnière s'ouvrant sur une période nouvelle:faire avec la richesse extraite du sous-sol calédonien la prospérité et le bien-être de chaque famille calédonienne, et non pas en faire profiter un homme, un groupe ou un parti. Le projet de l'usine du Nord est la clé qui permettra de libérer les négociations qui piétinent sur l'avenir institutionnel du pays. Le projet du Nord,c'est aussi la preuve d'une réelle maîtrise du monde économique par les dirigeants de la SMSP et de la collectivité provinciale, et c'est déjà en cela une remise en cause totale de la situation antérieure. On peut enfin féliciter le travail déjà effectué par André Dang et Raphaël Pidjot et leur équipe qui ont su fédérer autour de ce projet, qui intéressera l'ensemble des calédoniens,des indépendantistes et des anti-indépendantistes. Malgré la prudence qui s'impose encore à ce stade du projet, l'usine du Nord a toute les chances d'être le point de non-retour d'un formidable pari sur l'intelligence et sur l'avenir.

Olivier Houdan

Génération Calédonienne

Article publié dans la rubrique “Libre expression” du défunt journal “Le Quotidien Calédonien”, le 25 juin 1996.

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